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4.3.2. Los purunmachus de Karajía


La découverte

Dans cette vallée, pas moins de 250 sarcophages, ou restes de sarcophages, logés dans des anfractuosités, ont été mis à jour.

Ils ont été mentionnés dans le périodique
Mercurio Peruano en 1791 et ont été ensuite oubliés.
Cela a attiré l'attention de certains archéologues, comme Louis Langlois (1939) Henry et Paule Reichlen (1950), mais cela n'est pas allé plus loin.

Il faudra attendre 1983 pour que des recherches sur le terrain et un travail d'analyse soient entrepris.
.
En
1983, une expédition est dirigée par l'archéologue péruvien Federico Kauffmann Doig, pour retrouver ces sépultures et les analyser.
Dans la vallée, ce sont pas moins de
250 sarcophages anthropomorphes qui seront mis à jour.
Il découvrira* (* il n'est pas impossible qu'ils fussent connus de la population locale) en particulier ceux de
Karajía (ou Carajía), en 1985, qui sont parmi les mieux conservés, les plus grands et qui restaient jusqu'alors intacts. C'est ceux qui seront présentés dans cette partie.

Ce n'est malheureusement pas le cas de la majorité, des sépultures, les huaqueros ayant pillé les tombes au fil des siècles, n'hésitant parfois pas à tirer dedans au fusil, quand ceux-ci étaient inaccessibles, pour récupérer d'éventuels objets de valeur.

On trouve ces sarcophages principalement sur la
rive gauche de la vallée du Río Utcubamba.
Ceux de Karajía sont situés dans la Quebrada de Aispachaca.
Les purunmachus de Karajía dans leur écrin rocheux.
La forme des sarcophages et les décors diffèrent selon le site.

Ceux de Karajía ont la
mandibule et les arcades sourcilières très marqués et le nez proéminent.
Les spécialistes pensent que leurs visages sont inspirés de
masques funéraires, dont la mandibule était réalisée dans une planche en bois, d'où l'aspect plat du bas du visage.

Les sarcophages sont recouverts d'
éléments décoratifs de types vestimentaires : coiffes, colliers pectoraux, tuniques, ou qui viennent surligner des parties du corps (comme les yeux, qui peuvent aussi être des peintures décoratives appliquées traditionnellement sur le corps).
Ces motifs font penser à des somptueuses tenues d'apparat qu'ont pu porter les personnages (manteaux de plumes...).

Ce décor a été réalisé par
deux types de rouges, appliqués sur une base blanche.
Les pigments ont pu être prélevés à proximité, directement dans la falaise, puisqu'elle comporte de nombreux minéraux (ocres, hématites).

Par ailleurs, les coiffes de deux purunmachus sont surmontés chacune d'un
crâne. On pense que toutes en comportait un à l'origine.
Il s'agit probablement d'un crâne d'une personne tuée au combat, et qui leur ont donné la gloire.

Les archéologues pensent qu'il devait s'agir de sépultures de
dignitaires ou de chefs guerriers.

Selon des tests au radiocarbone, ces sépultures datent des alentours de l'an
1200.
Les purunmachus ou sarcophages anthropomorphes

Le terme purunmachu est un terme des habitants de la région de Chachapoyas pour désigner ces sarcophages.
C'est un mot quéchua, qui est composé de
purun (qui a plusieurs sens dont ceux de simple/ordinaire, de désert, ou abandonné -dans le sens de 'laissé abandonné' ) et machu (vieux), le terme purunmachu signifiant (d'après certaines sources) homme ancien ou payen.

Ces purunmachus abritent chacun une
momie d'un illustre défunt en position accroupie, presque embryonnaire, enveloppée dans un tissu, et accompagnées de diverses offrandes.
Dans ceux de Karajía, ont été découverts des calebasses, des céramiques qui contenaient à l'origine des aliments, des outils de tissage et des pelotes de laine, ce qui indique que pour les Chacapoyas la vie continuait après la mort.
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Les purunmachus de Karajía dans leur écrin rocheux.
Tous les sarcophages de la vallée sont placés dans de petits groupes (de 4 à 8 en général).

Ceux de Karajía étaient au nombre de
8 à l'origine, mais deux ont été détruits : l'un, à droite des deux premiers de gauche, qui serait visiblement tombé lors du séisme de 1928 qui a secoué la région, ainsi qu'un autre, à droite, dont on aperçoit la base et quelques ossements.

Les sarcophages sont dépendants les uns des autres, la chute de sarcophages ont ouverts les sarcophages voisins, ce qui a permis de connaître le contenu de ceux-ci sans avoir à en détruire une partie. Le contenu des autres a pu être déterminé par supposition.

Cela indique, par ailleurs, que ces sarcophages ont bien été conçus sur place.
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Les purunmachus de Karajía, comme tous ceux de la vallée reposent sur une corniche abritée par un promontoire rocheux, dans une falaise en à-pic..
Elles surplombent de 24 mètres le sentier situé en contrebas et d'environ 200 mètres le fond de la vallée.

Elles sont situées en hauteur, dans une zone volontairement inaccessible, afin d'assurer leur pérennité.

Il est possible que l'anfractuosité où sont logés ces sarcophages ait été retravaillé, agrandie, afin d'y loger les sépultures.


Il y a eu plusieurs raisons à cela.

# La première, et celle qui semblerait à première vue la plus évidente, peut être de les protéger d'éventuels pillards. Cependant, tous les spécialistes ne s'accordent pas sur ce point : les Chachapoyas, comme nombre de cultures andines, avaient un profond respect pour les morts, ils n'auraient donc pas forcément eu besoin de ce procédé pour dissuader les chasseurs de trésors. De plus, des croyances -croyance encore latente aujourd'hui- le profanateur serait atteints de maux (souvent de paralysie de ses membres qui entrainerait la mort-, par vengeance de défunt.
En effet, le respect des morts et l'attention qui leur sont portées dans ces cultures sont incontestable, mais peut-être que pour assurer la vie éternelle, plusieurs précautions valent mieux qu'une ! - sans compter la possibilité de destruction par un ennemi.
La hauteur peut aussi protéger les sarcophages de dégradations involontaires (dûes au passage répété, par exemple) ou d'animaux.

# Le choix a surtout dû être induit par le désir de les protéger contre les ravages du temps :

+ Le fait d'être placé dans une anfractuosité protège de la pluie équatoriale les purunmachus, fait principalement de boues séchée, sans quoi ils n'auraient pas résistés longtemps.

+ Par ailleurs, le lieu est un lieu où la végétation ne pousse pas, ce qui limite la dégradation, car celle-ci et les matériaux organiques qu'elle produit accumulent l'humidité, ce qui nuirait à la momie.

+ En outre, sur les hauteurs, le vent souffle allègrement, ce qui a la particularité de diminuer l'humidité fort importante, caractéristique des Andes Amazonniennes, et d'assécher les surfaces des sarcophages, évitant ainsi aux momies d'être altérées par l'humidité.

# Dernièrement, il y a aussi sans aucun doute une grande part de symbolique :
Tous les purunmachus sont tournés vers la vallée. Ils semblent figés dans un environnement immense pour le reste de l'éternité, leur regard balayant la vallée pour aller se fixer dans le lointain.
+ La hauteur affirme leur statut.
+ Certainement avaient-ils aussi une fonction de protection (les ancêtres protégeant les leurs).
+ Cet emplacement à l'écart assure aussi une certaine tranquillité, un repos bien mérité en quelque sorte, au coeur de la montagne qui était, vénérée comme un Dieu à part entière, dans nombre de cultures andines.

On ne note aucun moyen d'accès mis à part l'escalade (et encore !) ou la descente en rappel du haut du coteau. Cependant, on aperçoit que la corniche où sont placés les sarcophages se prolonge légèrement. Il est possible que les indiens soient passés par là (y compris en l'aménageant pour pouvoir l'emprunter), avant de détruire l'accès afin de rendre le site inaccessible.
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Les sarcophages sont anthropomorphes, mais seules la poitrine et la tête sont représentées. Ces sarcophages ont été réalisés en deux parties : d'abord le tronc, puis la tête qui vient sceller le sarcophage, rendant celui-ci étanche face aux agressions extérieures.

Ils sont placés debout et mesurent jusqu'à 2m40 de hauteur.

Ils ont été réalisés in situ, avec de la
boue argileuse mélangée à de la paille (ichu) et des petites pierres, le tout étant renforcé par une armature de tiges de bois, qui donne la forme au sarcophage.
Ces sépultures si particulières démontrent l'importance que les morts avaient pour les Chachapoyas, ainsi que la maîtrise de la momification et la connaissance de leur environnement qui nous paraît aujourd'hui si inhospitalier.
C'est encore au creux du rocher que la volonté de préservation a trouvé sa place et qu'ont ainsi été préservées des aléas du temps, depuis plus d'un demi-millénaire de total abandon, des sépultures dont le défunt devait -hypothétiquement- accéder à la vie éternelle.
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[Page réalisée le 4 Novembre 2011 et ajoutée le 13 Novembre 2011]